Commerces éphémère ou Pop-up stores : Quel régime juridique applicable ?
A l’instar du rappeur Jul, qui a très récemment inauguré une boutique éphémère au sein du centre commercial Citadium à Paris, ou de l’influenceuse Lena Mahfouf, qui a ouvert « Le Bazar de l’Hotel Mahfouf » au BHV Marais, les pop-up stores, ou commerces éphémères, connaissent un essor important en France, portés par des besoins de flexibilité commerciale et de marketing ponctuel, permettant de tester l’adéquation du produit à une clientèle, ou de promouvoir un produit ou un évènement, sans être liés par un bail qui ne pourrait être résilié avant trois ans.
Cependant, leur installation temporaire (locaux vacants, centres commerciaux, espaces en voirie privée etc.) soulève des questions juridiques essentielles, notamment en ce qui concerne la qualification et l'exécution du contrat liant le propriétaire des locaux et l'exploitant du point de vente éphémère.
Les différents régimes juridiques envisageables pour un commerce éphémère
Plusieurs types de contrats peuvent régir l'occupation temporaire d'un local dans le cadre d'un pop-up store :
Le bail dérogatoire (article L.145-5 du Code de commerce) : il permet une occupation pour une durée maximale de trois ans, sans application du statut des baux commerciaux. Plusieurs conditions doivent être réunies :
Le bail dérogatoire n’est valable que si sa durée est de 3 ans maximum.
À l’expiration de cette durée, si le locataire reste en place, un bail commercial classique est automatiquement constitué.
Il est possible de signer plusieurs baux dérogatoires successifs, mais la durée totale ne doit jamais dépasser 3 ans.
Formalisme : ce type de bail doit expressément déroger au statut des baux commerciaux dans son libellé, et être conclu avant l'entrée dans les lieux.
La convention d'occupation précaire (article L.145-5.1 du Code de commerce) : elle permet également de déroger au statut protecteur du bail commercial. Elle est valable si l'occupation est liée à des « circonstances particulières indépendante de la seule volonté des parties », constituant un motif légitime de précarité.
A cet égard, il a été jugé qu’une convention d’occupation précaire pouvait être consentie à des commerçants pour tester, pendant une durée limitée, une activité de restauration rapide en l’occurrence (Cass 3ème civ, 9 février 2017, n°15-18.251).
Ainsi, le test ou la promotion d’un produit ou d’un service peut constituer un motif objectif de précarité s’il est :
ponctuel (ex. : test marketing pendant 2 mois),
sans vocation à se pérenniser dans les lieux,
justifié par une incertitude commerciale ou stratégique.
Le contrat de prestation de services : il s'agit d'une mise à disposition de locaux dans le cadre d'une opération conjointe, notamment pour des espaces au sein de galeries ou de grandes surfaces. Plusieurs conditions doivent être réunies, au risque de voir le contrat requalifié en contrat de bail commercial :
L’organisateur (le prestataire) fournit une prestation globale : aménagement, personnel, scénographie, communication, merchandising.
Il intervient sous le contrôle ou l’assistance du prestataire, sans autonomie dans l’exploitation du lieu.
Le contrat doit prévoir une durée courte, cohérente avec l’événement temporaire.
La rémunération du prestataire est liée à la prestation, non à l’occupation d’un bien.
Régimes non soumis au statut des baux commerciaux
Les contrats ci-avant ont pour particularité d’avoir pour objet la mise à disposition de locaux, pour une y exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale, sans pour autant être soumis au statut des baux commerciaux.
Cette dérogation laisse aux parties une grande liberté dans la rédaction des clauses et conditions régissant la relation contractuelle, ce qui pourrait porter préjudice à l’un des co-contractants.
A cet égard, et par un arrêt du 11 janvier 2024 n°22-16.974, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a jugé qu’une convention d’occupation précaire n’étant pas un bail, l’occupant à titre précaire ne pouvait se prévaloir des dispositions de l’article 1719 du Code civil, relatif à l’obligation de délivrance conforme du bailleur, et que l’indemnisation éventuelle du preneur ne pouvait avoir pour fondement qu’un manquement du bailleur aux obligations expressément prévues à la convention.
Ces contrats doivent donc être rédigés avec ma plus grande vigilance, en l’absence d’application du statut protecteur des baux commerciaux, et des dispositions du Code civil relatives au contrat de bail.
Risque de requalification du contrat
Il est de jurisprudence constante que la qualification du contrat, choisi par les parties, ne lie en aucun cas le juge, ce dernier ayant le pouvoir de requalifier le contrat en contrat de bail commercial, si les conditions sont réunies, et même si les parties ont choisi une autre qualification.
Par un arrêt du 19 novembre 2015 (n° 14-13.882), la Cour de cassation a requalifié un contrat de mise à disposition, en contrat de bail commercial, en considérant que le preneur exploitait une activité autonome avec sa propre clientèle, sur une durée significative, dans des locaux commerciaux.
Il est donc indispensable de se faire assister dans la rédaction desdits contrats, à l’effet d’éviter toute requalification en contrat de bail commercial, pouvant entrainer un lourd préjudice pour l’une ou l’autre des parties.
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Les pop-up stores offrent une souplesse appréciable aux commerçants, mais cette flexibilité ne doit pas faire oublier la rigueur juridique nécessaire. Une vigilance contractuelle et juridique est indispensable pour sécuriser l'opération, prévenir les contentieux et éviter les requalifications imprévues.
Le Cabinet Amar Avocats vous accompagne à l’effet de sécuriser ce lien contractuel, et éviter tout risque juridique.